LIEU RAR Paris#2017 - Rencontre Annuelle du Réseau
Patrimonialisation et précarité

Alessia de Biase, Ferdinando Fava, Ioana Iosa, Leandro Peredo, Alice Sotgia
Date : 20 et 21 septembre 2017
Lieu : École nationale supérieure d’Architecture de Paris La Villette
Organisateurs : Alessia de Biase (LAA/LAVUE), Ferdinando Fava (Université de Padoue), Ioana Iosa (LAA/LAVUE), Leandro Peredo (Université Paris 1 – LAA/LAVUE) et Alice Sotgia (LAA/LAVUE)
Partenaires : ENSA de Paris-La Villette

Cette rencontre souhaite interroger l’articulation entre patrimonialisation et précarité en milieu urbain.
Il fait suite au colloque international Les ruines de la patrimonialisation (Rio de Janeiro novembre 2014 - Paris mars 2015) - porté par le réseau LIEU en collaboration avec le Laboratoire architecture anthropologie/UMR Lavue, dans le cadre du Labex CAP – qui constitue un moment charnière dans la réflexion sur le thème « habiter la patrimonialisation ».
Fidèles à notre intérêt particulier pour les manières d’habiter les processus de transformation urbaine, nous cherchons à analyser comment des résidents en situation d’injustice spatiale et des institutions publiques ou privées interagissent dans des processus de mise en patrimoine, qu’ils soient imposés par une logique top-down, ou bien revendiqués par les habitants eux-mêmes.
Rappelons ici que des changements majeurs dans l’approche patrimoniale ont vu le jour à partir des années 2000. Ainsi, l’UNESCO reconnaît en 2003 la valeur du patrimoine culturel immatériel (Bortolotto, 2011 ; Davallon, 2012). En 2005, la Convention de Faro du Conseil de l’Europe, reconnaît la légitimité d’une communauté de référence dans l’identification, la sauvegarde, le partage et la valorisation de son patrimoine, encourageant ainsi le glissement d’une patrimonialisation établie par l’expertise scientifique vers une patrimonialisation revendiquée socialement. Depuis 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies nomme un rapporteur spécial dans le domaine des droits culturels, souhaitant intégrer la culture (dont la question de l’accès au patrimoine) au système de droits fondamentaux de l’homme. De même, le Nouvel Agenda Urbain, adopté par les Nations Unies lors du sommet Habitat III (Quito, 2016), accorde au patrimoine un rôle dans l’avenir durable des villes. Le rapport mondial de l’UNESCO de 2016 intitulé Culture : futur urbain - et dont les human-centred cities est l’une des thématiques phares - insiste également sur le rôle de la culture dans le développement urbain durable (UNESCO, 2016). Enfin, la 19e Assemblée générale d’ICOMOS (Delhi, 2017), porte le titre « Patrimoine et démocratie ». Et la liste pourrait continuer.
Il nous semble donc évident que le binôme « construction patrimoniale » et « démocratie et droits humains » est questionné par les institutions de plus en plus souvent et à une échelle de plus en plus large, sans que la communauté scientifique ait pu y consacrer suffisamment d’attention. D’ailleurs, nous faisons également le constat d’un regard trop souvent homogénéisant, consensuel et pacifiant de la part des acteurs institutionnels. Ce regard nous semble problématique car évinçant toute forme de contestation et sous-entendant des formes d’exclusion.
Comme le contexte européen contemporain nous le montre, par la décision de la Commission européenne de faire de 2018 la première année européenne du patrimoine culturel, le patrimoine devient de nos jours un outil de sensibilisation des populations à des valeurs communes et d’affirmation d’un sentiment identitaire, e l’occurrence européen. Comment les différentes formes de précarité - liées aux conditions professionnelles et d’habitat - s’inscrivent-elles dans cette relation entre patrimonialisation et démocratie ? Les processus de patrimonialisation peuvent-ils devenir de vrais outils d’inclusion dans un monde qui change à croissantes inégalités ? En s’appuyant sur une critique plus ample du droit à la ville (Lefebvre, 1968), de la démocratie culturelle (Tornatore, 2010 ; Guttormsen and Swensen, 2016), de la participation publique (Giaccardi, 2012), et des droits humains et des droits culturels (Silverman, Ruggles, 2007 ; Sinding-Larsen, 2012), les organisateurs souhaitent ouvrir ces deux jours à l’ensemble des chercheurs et doctorants du réseau LIEU intéressés à construire une réflexion commune sur ce thème, en vue de possibles projets de recherches internationaux, autour de l’articulation entre patrimonialisation et précarité.

Les interventions, qui alimenteront la discussion collective, pourront répondre aux questions suivantes : La patrimonialisation est-elle capable de répondre aux dysfonctionnements urbains et sociaux ? Est-il possible de tisser des relations entre patrimonialisation et précarisation (économique, sociale, culturelle) ? Que révèle notre réflexion à l’épreuve de cas d’étude différents ? Quels sont les apports possibles des enquêtes ethnographiques ou des études de politiques publiques au sujet de la patrimonialisation et de la précarité ?
Plusieurs terrains d’étude sont possibles. Les interventions pourront porter sur les habitants des zones en déclin industriel et sur les contradictions qui peuvent apparaître entre leurs représentations et celles des experts du patrimoine, à l’heure des injonctions au développement de ces territoires ; sur les logiques de patrimonialisation de l’habitat social, accueillant des populations précaires, ou encore de bâtis remarquables, occupés par des squats ; et, enfin, sur des processus de patrimonialisation à l’échelle territoriale, où coexistent diverses formes d’habitat précaire.

Crédits de l’image
Edition de l’auteur sur photo de © JR « Women are heroes, Brazil », 2008.
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JR